Cas du Jardin Pédagogique de l’Ecole Nationale d’Agriculture, Maroc
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Cas du Jardin Pédagogique de l’Ecole Nationale d’Agriculture, Maroc

Résumé en français

Au Maroc, l’adoption d’une approche innovante et efficiente en agriculture est d’une importance primordiale dans le contexte des changements climatiques, pour permettre à l’agriculture de relever le défi de la sécurité alimentaire de manière équitable (économiquement et socialement) et respectueuse de l’environnement. L’agroécologie est une approche holistique qui pourra répondre aux défis auxquels sont confrontés les systèmes agricoles actuels jugés conventionnels. L’agroforesterie ou mieux encore la forêt nourricière font partie des concepts de l’agroécologie. Elle constitue une vraie stratégie d'adaptation, ayant comme principe la combinaison des arbres avec des cultures annuelles ou plantes fourragères et éventuellement avec l’élevage sur la même parcelle. C’est une alternative au système actuel dominant qui pourrait contribuer à la résilience pour les petits producteurs si les conditions locales s'y prêtent. Dans cette réflexion, l’ENAM (École Nationale d’Agriculture de Meknès), en partenariat avec le RIAM (Réseau des Initiatives Agroécologiques au Maroc) ont mis en place un Jardin comestible en agroforesterie pour servir de site démonstratif et pédagogique, appelé « Forêt Nourricière » au sein de la plateforme agroécologique de l’ENAM.

Les résultats spectaculaires obtenus que ça soit de point de vue production ou de création d’un microclimat très diversifié, nous amène à penser à la réplication de ce modèle dans les paysages comestibles à l’échelle locale, dans le but de renforcer la résilience des agroécosystèmes, de respecter l'environnement et de garantir la pérennité des petits agriculteurs à travers la diversification de leurs productions.

Mots clés : Agroécologie - Agroforesterie - Forêt comestible - Changements Climatiques - Résilience.

In the context of climate change, it has become important to adopt an innovative and efficient approach to agriculture in Morocco to meet the challenge of food security in a way that is economically and socially fair and respectful of the environment. Agro-ecology is a holistic approach that can help answer the different challenges current agricultural systems are facing. The food forest, a variant of agro-forestry, falls well within the concept of agro-ecology. It is a concrete strategy of adaptation that combines trees with annual crops or fodder plants and possibly with livestock on the same plot. The National School of Agriculture of Meknes (ENAM), in partnership with the Network of Agro-ecological Initiatives in Morocco (RIAM) has set up a food garden that associates edible vegetables with fruit trees to serve as a demonstration and educational site. The results revealed a significant success story relating to the growth, the phyto-sanitary condition and the yield of the different crop species leading us to think about the replication of this model at the local level, with the aim of strengthening the resilience of agro-ecosystems, respecting the environment, and guaranteeing the sustainability of small farmers through the diversification of their production. Co Authors are: Rachida Mehdioui, Elisabeth Haiti, Abdellatif Boutagayout, Laila Nassiri, Fouad Rachidi, & Ghizlane Echchgadda

Introduction

La croissance démographique exponentielle connue à l’échelle mondiale a favorisé considérablement la demande et la consommation des aliments diversifiés. Ce qui a rendu les phénomènes de la faim, la pauvreté et de mettre la nourriture sur table de manière équitable difficiles à régler. En effet, des efforts mondiaux ont mis l’accent sur le développement et la conception des systèmes agricoles qui amélioreront et stimuleront la production alimentaire surtout à l’échelle locale de telle manière à assurer l’autonomie alimentaire (Barasa et al., 2021). Par conséquent, les pratiques agricoles intensives telles que l’usage abusif des pesticides et le travail profond du sol ont montré des impacts néfastes sur la santé de l’homme, l’environnement et la faune des agroécosystèmes entravant ainsi la durabilité des systèmes agricoles ce qui met à nouveau le point sur la question de la sécurité alimentaire (Zalidis et al., 2002 ; Lee et al., 2019).

Le paysage comestible est l’une des formes de coproduction entre l’homme et la nature vivante. De même, l’une des formes les plus connues de paysage comestible est la forêt alimentaire qui peut assurer plusieurs avantages si elle est conduite correctement. Elle peut être l’une des solutions contre les problèmes liés à la dégradation du sol, la perte de biodiversité, la perturbation climatique, la consommation non durable, les systèmes de production et de l'insécurité alimentaire, etc. (Groeneweg, 2018 ; Riolo et al., 2019). Afin de défendre la reconstruction des liens avec les écosystèmes naturels, et de partager les ressources naturelles d’une manière équitable en respectant les besoins des générations futures, il est très intéressant de pousser les forêts comestibles vers un mouvement paysan en tenant compte des approches agroécologiques sous le nom des forêts nourricières en agroécologie, visant à se pencher vers le système du recyclage de la matière organique (boucle fermée) sans utilisation d'intrants chimiques et avec un minimum de perturbation des équilibres du sol en favorisant les processus naturels entre les différentes composantes de l’écosystème, etc.

Dans cette réflexion, l’objectif de ce travail était de concevoir et mettre en place un modèle de forêt nourricière au sein du jardin pédagogique de l’École Nationale d’Agriculture de Meknès, en appliquant les principes et les pratiques de l’agroécologie notamment le paillage, les cultures intercalaires, les cultures de couverture, la fertilisation organique, l’optimisation de la gestion des ressources naturelles, etc.

Jardin comestible, c’est quoi ?

Le jardin comestible est un jardin à petite échelle autour des maisons environnantes dans lequel sont cultivées des plantes qui peuvent être consommées par l’homme comme les légumes, les fruits, les herbes, les fleurs comestibles, etc. afin de répondre aux besoins alimentaires quotidiens des paysans et leurs ménages (Fatimah et al., 2020). Cependant, le concept de jardin comestible peut combiner à la fois les approches de la décoration d'un jardin comestible préféré et de plantes ornementales afin de rendre les paysages beaux et attrayants.

Agroécologie, c’est quoi ?

Dans un premier temps, l'agroécologie peut être définie comme l'application des principes de l'écologie aux systèmes agricoles, autrement dit, c’est une combinaison entre les sciences agronomiques et écologiques (Wezel et al., 2009). Cependant, la notion de l’agroécologie couvre une échelle d’étude multidisciplinaire passant de l’agroécosystème à l’ensemble du système alimentaire appréhendé dans ses dimensions écologiques, économiques et sociales (Francis et al.,2003). En effet, elle peut être vue comme une discipline scientifique, un mouvement social ou comme un ensemble de pratiques agricoles, et toutes ces trois visions sont nécessaires pour créer un élan à la transformation vers des systèmes alimentaires durables (Tomich et al.,2011 ; Gliessman, 2018). L’agroécologie est donc une approche holistique qui aborde les impacts agro-environnementaux qui s’avèrent importants pour relever les défis multidimensionnels de l’agriculture notamment les changements climatiques (Lal, R., 2018).

Par ailleurs, l’agroécologie propose des pratiques et techniques notamment :

-  L’association des cultures comme l’agroforesterie qui a pour concept de cultiver des espèces pérennes (arbres) en polyculture avec d'autres espèces végétales (pérennes et/ou des cultures annuelles) afin de favoriser les processus de complémentarité entre les différentes espèces végétales et ainsi de produire plus de rendement par rapport au système de la monoculture (Raj, 2019)  

-  La couverture permanente, le paillage et le non travail du sol comme des outils de gestion durable des terres agricoles en les prévenant de l'érosion, l'amélioration de la qualité des sols et de la productivité des cultures (Diacono, 2021 ; Boutagayout et al., 2020)

- Les biofertilisants, l’utilisation de compost et le recyclage de la matière organique comme des techniques clés pour une gestion durable des éléments nutritifs, elles peuvent fournir des avantages productifs et économiques importants réduisant ainsi les dépenses en engrais chimiques (Atieno et al., 2020)

-  L’utilisation des bio pesticides et des extraits issus de ressources naturelles comme des antiparasiterais qui peuvent remplacer l’emploi des substances chimiques dangereuses (pesticides) pour la biodiversité des agroécosystèmes (Deravel et al., 2013), etc.

Matériel et méthodes

Le processus de la conception de la forêt nourricière a été inspiré des deux cycles cadres d’OBBREDEMIT et SADIMET[1]. Le cycle d’OBBREDEMIT correspond à : l’observation, les limites, les ressources, l’évaluation, la conception, la mise en œuvre, la maintenance et la réévaluation. En outre SADIMET consiste à : l’étude, l’analyse, la conception (ou décision), la mise en œuvre, la maintenance, l’évaluation et l’ajustement. L’activité de la conception a été précédée par l’étape de l’analyse pour les deux méthodes.

Observation

La forêt nourricière est située au niveau de la plateforme agroécologique de l’École Nationale d’Agriculture de Meknès (Maroc) sur une altitude de 663m, la zone est caractérisée par un climat méditerranéen chaud avec un été sec selon la classification de Köppen-Geiger. La superficie allouée à ce projet est de 800m², le terrain est légèrement en pente à plat. Le sol est de type argilo-limoneux, le taux de la matière organique est de 1.8%. Aucun travail du sol n’a été appliqué. Ceci peut apparaitre impressionnant, cependant, le non travail du sol aide à maintenir la biodiversité du sol et à améliorer l’état sanitaire des habitats. Au niveau du jardin, une petite Arganeraie âgée de dix ans est déjà mise en place. L’arganier est l’une des espèces endémiques du Maroc notamment dans le climat infra-méditerranéen. Or, il s’est bien adapté au niveau de la plateforme. Des oliviers âgés de plus de six ans ont été aussi mis sur place. La présence de ces deux espèces constitue une bonne base pour l’introduction de la pratique de l’agroforesterie et l’insertion des plantes intercalaires afin de garantir une biodiversité importante au niveau du site.

Analyse

Cette étape consiste à analyser et examiner les données collectées, à l’aide de différents outils (analyse SWOC pour notre cas), ce qui va nous permettre de concevoir d’une manière claire et détaillée, d’éclairer les opportunités et les forces, de hiérarchiser les défis pour pouvoir finalement définir le positionnement des éléments.

Tableau : Analyse SWOC[2] de la forêt nourricière

Conception

Une analyse des intrants/produits permettra de créer des relations bénéfiques entre les éléments d’une conception. En effet, ceci aide à réduire les déchets et la charge de travail et augmente l’auto-entretien du système (Mollison, 1988). Des interactions bénéfiques entre les intrants et les extrants sont la base d’un écosystème qui fonctionne bien. Ces relations garantissent la coopération et la complémentarité entre les éléments (Whitefield, 2004).

Les fonctions constituent un concept fondamental lié aux éléments, pour concevoir des systèmes résilients harmonieux. Les éléments sont les parties individuelles qui composent un système. Les fonctions sont remplies parles éléments, comme l’évapotranspiration, l’ombrage, la production alimentaire, la structuration du paysage etc (Aranya, 2012). Pour un système optimal, une fonction devrait être assurée par plusieurs éléments, de même, un élément devrait remplir plusieurs fonctions.

Mise en place

Principe de zonage en permaculture

Dans son ouvrage de référence, Permaculture One, publié en 1979, Mollison (1988) introduit les notions de zone et de secteur à prendre en compte dans la conception pour obtenir la meilleure efficacité possible à court et à long terme. Les secteurs sont définis par l’ensoleillement, les vents, les risques d’incendie ou d’inondation, les éventuelles sources de pollution. La conception vise à réduire les facteurs limitants. Ainsi, une haie brise-vent est judicieusement installée le long de la bordure nord-ouest de la parcelle pour protéger le jardin des vents dominants.

Figure 1: La rose des vents à Meknès

Se servir des zones pour concevoir l’aménagement d’un site, c’est choisir l’emplacement de ses composants en fonction de leur fréquence d’usage ou d’entretien (Mollison, 1988).

Zone 0 : c’est la section du paysage où se trouve le lieu de résidence principale, ou étant le centre des activités humaines. C’est la zone la plus fréquentée par les personnes.

Zone 1 : cette zone « jardin » contient des cultures pour la consommation domestique et des plantes à des fins esthétiques (Sofo et Sofo, 2020). Elle est située juste à côté de la zone 0 puisqu’on y intervient quotidiennement.

Zone 2 : elle est située plus loin de la zone 0 et généralement dispose d’un grand espace ouvert. On y trouve les troupeaux de petits animaux, le verger ou l’aquaculture.

Zone 3 : c’est une zone d’une superficie plus importante par rapport aux zones précédentes, elle est caractérisée principalement par des cultures à usage commercial. On y produit le fourrage pour les animaux.

Zone 4 : ou forêt, est la zone la plus éloignée de la ferme, elle est dominée par les arbres et caractérisée par un système de production agroforestier dans le but de produire le bois, et le bois de chauffage. Ce système diversifié a des bénéfices plus élevés par rapport aux systèmes de la monoculture (Do et al. 2020).

Zone 5 : la dernière zone est la zone sauvage. La nature sauvage est une caractéristique philosophique du paysage de la permaculture qui fournit des inspirations de conception de la nature. La fonction de cette zone est de réintroduire et conserver la biodiversité dans les agroécosystèmes (Piratelli et al. 2019).

Toutes les zones ne se retrouvent pas forcément dans chaque projet. Les zones ne sont pas rigoureusement concentriques, il peut être opportun de créer des bordures entre elles.

Figure 2: Les zones en permaculture [1]

Dans le jardin comestible, nous retrouvons les zones 0, 1, 2 et 5.

Figure 3: Les zones de la forêt nourricière

Ce projet fait partie d’un ensemble plus vaste, la plateforme agroécologique de l’ENAM. Ainsi, une unité d’élevage (zone 3) contribue à la fertilité du projet. A terme, l’ensemble de la plateforme pourrait être piloté selon les principes de la permaculture.

Strates de la forêt nourricière

Figure 4 – Les 7 strates d’une forêt nourricière

De manière simplifiée, les strates d’une forêt se répartissent ainsi :

1- La canopée est constituée des arbres de grande taille qui captent directement la lumière du soleil.Dans notre design, cette strate supérieure est constituée des arbres forestiers. Les palmiers-dattiers occupent cette place dans les oasis du sud marocain.

2- La sous-canopée est constituée d’arbustes et de petits arbres. La plupart des arbres fruitiers font partie de cette strate intermédiaire, ainsi que des arbres supports, fixateurs d’azote et/ou producteurs de biomasse par exemple.

3- La strate inférieure est occupée par des buissons ne dépassant pas 3m de hauteur. Elle inclut les plantes aromatiques comme la lavande et le romarin, des arbustes à fleur (rosier) ou à fruit (framboisier, grenadier).

4- La strate des herbacées hautes regroupe des plantes spontanées ou cultivées, comme les graminées, les ombellifères, les brassicacées et les aromatiques herbacées. La culture d’engrais vert fait également partie de cet étage.

5- Les plantes couvre-sol ont un rôle très important, notamment en milieu semi-aride, pour protéger le sol de la dureté du climat. On y retrouve les plantes qui se développent horizontalement, comme les fraisiers, les courges ou encore la patate douce.

6- Les plantes grimpantes augmentent la production globale du système en utilisant la dimension verticale de l’espace : vigne, kiwi, plantes à fleur illustrent cette strate.

7- La strate du sous-sol est le domaine des champignons et des légumes racines. Elle est la fondation de la forêt.

Principes de l’agroforesterie

Les agroécosystèmes de la culture intercalaire se manifestent par une productivité accrue par rapport à ceux de la monoculture, ceci peut s’expliquer par deux processus majeurs qui se traduisent par une meilleure utilisation des ressources : la complémentarité et la facilitation (Fridley 2001).

Complémentarité:

La complémentarité peut être définie comme une diminution de la compétition/concurrence interspécifique et l’exclusion compétitive, par le partage des ressources entre les espèces associées. C’est le cas notamment lorsque les différences morphologiques entre les espèces associées augmentent la vitesse de couverture du sol et par conséquent le niveau d’efficience d’interception du rayonnement (Sinoquet et Caldwell, 1995). Les espèces peuvent utiliser les ressources données différemment dans le temps, dans l’espace et dans la forme (Fridley 2001)

Facilitation:

La facilitation se produit lorsqu’une espèce améliore la croissance ou la survie d’une autre (Callaway, 1995). Cela peut se produire via (1) des mécanismes directs, tels qu’une altération favorable de lumière, la température, l’humidité du sol, et les nutriments du sol, etc., et (2) des mécanismes indirects, tels que des changements dans les communautés mycorhiziennes ou microbiennes du sol. Par la suite, nous utilisons la facilitation pour signifier les interactions positives par lesquelles une espèce peut modifier l’environnement biotique/abiotique de ses racines (rhizosphère), bénéficiant finalement à l’espèce associée, en augmentant la disponibilité des nutriments (Callaway, 2007).

Echelle de permanence Yeomans

L’agriculteur australien P.A. Yeomans a développé un mode de conception et de gestion des paysages agricoles faisant un usage optimal de l’eau. Il a notamment établi une échelle indiquant la permanence relative des principaux systèmes avec lesquels nous interagissons, depuis le plus permanent (non modifiable) jusqu’au moins permanent (facilement transformable) : Climat ˃ Relief ˃Approvisionnement en eau ˃ Routes ˃ Systèmes végétaux ˃ Bâtiments ˃Subdivisions ˃ Sol

Résultats

Caractéristiques spatiales de la forêt nourricière

Après avoir défini les objectifs de la forêt nourricière qui sont d’ordres démonstratif et éducatif, et après avoir été inspiré des strates de la forêt nourricière et du principe de zonage de la permaculture, plusieurs espaces ont été structurés en fonction de leur usage et de leurs fonctions, à savoir :

1-La zone d’accueil au milieu, caractérisée par sa fonction d’accueil et de réception des visiteurs, c’est un endroit de rencontre et d’échange. Cette zone contient une. pergola qui a été construite avec du matériau naturel, l’ombre et la fraicheur seront assurés par deux plants de vigne installés sur les deux côtés de la pergola.

2-La zone comestible en agroforesterie: contenant différentes espèces d’arbres fruitiers (Arganier, Olivier, Figuier, Pommier, Grenadier, Pêcher, Agrumes, Vigne et Framboisier…), distribués d’une façon équitable au niveau de cette zone. La pratique de la culture intercalaire a été adoptée dans cette zone, en utilisant des cultures maraichères (Aubergine, tournesol, courgette, fraisier et oignon) et des plantes aromatiques et médicinales (Nigelle, Sauge, Lavande, Laurier, Verveine, Origan, Menthe, Thym et Citronnelle…). En effet, cette zone regroupe toutes les strates de la forêt nourricière.

3-Le point d’eau ou la mare: sert à améliorer la biodiversité de l’espace dans sa globalité, en constituant un point d’eau pour la faune disponible, et en accueillant des espèces de l’aquaculture offertes par le RIAM[4] dans le cadre du présent projet.

4-Zone naturelle et sauvage: elle contient deux strates à savoir les arbres forestiers et les arbustes (jujubier, arbousier, thuya, laurier rose…). Cette zone a pour objectif de conserver et réintroduire la biodiversité dans l’agroécosystème.

Design (conception du plan de la forêt nourricière)

Figure 5: Plan de la forêt nourricière

Principaux éléments et fonctions recherchées

Les fonctions de cette conception sont résumées dans trois sections majeures : fonction alimentaire, fonction d’accueil et d’échange et la fonction de réintroduction de la biodiversité. Chaque élément du système a des besoins et des produits spécifiques. Les arbres et arbustes, qui remplissent la fonction alimentaire, ont des besoins en eau, en ensoleillement ou encore en fertilité, propres à chaque espèce. Ainsi, à l’ombre des fruitiers, sont installées des plantes qui profitent d’un microclimat plus frais, comme la consoude, certaines plantes aromatiques. Les fruitiers produisent de l’ombre, tandis que la consoude produit de la matière organique et attire les insectes pollinisateurs. Les diverses plantes aromatiques attirent une faune d’auxiliaires diversifiés, qui contribuent à la bonne santé de l’ensemble du jardin.

Figure 6 – La guilde du pommier

Des allées sont nécessaires pour se déplacer et prendre soin des plantes. Dans un jardin à visée éducative, ces allées doivent accueillir des groupes de plusieurs personnes. Elles sont donc plus larges (1,20m) que dans un jardin privé. De même, des espaces dégagés permettent aux groupes de se rassembler. La pergola, placée au centre du jardin, est un espace d’échange, qui sert également de support à la croissance de la vigne. La vigne apporte à son tour ombrage et fruits. Les allées, les espaces dégagés et la pergola remplissent la fonction d’accueil.

La limite ouest du jardin est plantée d’espèces forestières. Elles permettent non seulement l’établissement d’une haie brise-vent, mais constituent également un abri pour la biodiversité. Dans cette zone, il y a peu d’interventions humaines. La flore et la faune sauvages peuvent s’exprimer. Une biodiversité importante est garante d’un équilibre phytosanitaire du jardin. Elle est donc accueillie de manière diffuse sur tout le site, grâce à la diversité des plantes cultivées.

Principales étapes de réalisation

En suivant l’échelle de permanence de Yeomans, les travaux d’installation ont été planifiés selon l’ordre suivant:

Traçage des allées: une allée liant toutes les parties de la forêt nourricière a été mise en place et couverte de paille.

Préparation du sol: un travail du sol superficiel a été réalisé manuellement en vue d’ameublir le lit de semences pour les cultures maraichères. Quant aux arbres fruitiers, des trous d’un mètre de volume ont été creusés et confectionnés après avoir ajouté une quantité de la fertilisation organique (compost).

Choix et mise en place des plantes : les plantes ont été choisies en fonction des principes de l’agroécologie. Les légumes feuilles ont été associés avec des légumes racines, les plantes qui nécessitent un microclimat frais en été, ont été installées directement sous les arbres. Les légumineuses ont été également choisies en raison de leur contribution à améliorer la fertilité du sol par la fixation biologique de l’azote atmosphérique. Les arbres forestiers ont été choisis en raison de leur adaptation au climat de la zone.

Couverture du sol: la pratique du paillage a été utilisée en appliquant une couche de 30cm de paille. autour des plantes pour hâter et favoriser leur croissance en réchauffant le sol tout en limitant l’évapotranspiration et les adventices. En outre, les plantes adventices coupées avant installation des cultures ont servi de couverture de sol.

Bandes enherbées: les parcelles installées ont été délimitées par des plantes mellifères ayant la capacité à améliorer la biodiversité notamment les auxiliaires et à servir de clôture.

Irrigation: le système d’irrigation localisé a été installé au niveau des parcelles.

Suivi de l’Évolution de la production et de la biodiversité

Paramètres à suivre, liés au site: température du sol, humidité et précipitations

Paramètres liés à l’évolution de la biodiversité:

Relevé phytosociologique: c’est un relevé d’informations variées permettant de décrire la communauté végétale en place et son contexte : informations sur la composition floristique, sur la structure de la végétation, sur l’abondance des différents taxons au sein de la végétation de la forêt nourricière, sur la physionomie et le périmètre du relevé…

Paramètres liés au rendement

Ces paramètres consisteront à mesurer les différents paramètres agronomiques (hauteur, nombre de tiges et de feuilles…). Ainsi que les mesures liées directement au rendement à savoir : rendement des fruits et légumes en kg et le rendement en matière fraîche et en huile essentielle pour les plantes aromatiques et médicinales.

Figure 7 :Espace d’accueil et d’échange
Figure 8. : Adaptation et production des quelques plantes de la forêt nourricière -courge, framboises,  et argan.
Figure 9: pratique de l’agroforesterie au sein du paysage : 1) Romarin et 2) cardon en association avec 3) l’olivier.

Conclusion

L’objectif de ce projet a été la mise en place d’un modèle d’une forêt nourricière en agroforesterie au sein de la plateforme agroécologie et environnement de l’ENAM, destinée à la démonstration d’un agroécosystème innovant et résilient. La convergence des méthodes de conception de la permaculture et des principes de l’agroécologie a été appliquée et a récolté une diversité de résultats. L’analyse préliminaire nous a permis de caractériser la plateforme, et nous a amené à définir les éléments nécessaires pour remplir les fonctions recherchées par ce projet (fonctions démonstrative et éducative). Les résultats spectaculaires obtenus que ça soit de point de vue production ou de création d’un microclimat très diversifié, nous amènent à penser à la réplication de ce modèle dans les paysages comestibles à l’échelle locale, dans le but de renforcer la résilience des agroécosystèmes, de respecter l'environnement et de garantir la pérennité des petits agriculteurs à travers la diversification de leurs productions. L’apport de l'agroécologie au développement de l'Agriculture urbaine et périurbaine (APU) peut s'appuyer sur deux de ses composantes : la biodiversité est prise au sens large, en incluant les espèces végétales et animales, aussi bien cultivées que spontanées. Les services écosystémiques que l'on peut prendre en compte dans l'APU seront : atténuation du changement climatique, la régulation des flux d'eau, le recyclage des éléments minéraux, la pollinisation, le contrôle biologique des ennemis des cultures, les zones refuges pour la faune et la flore, la production d'aliments, la protection des ressources génétiques, les loisirs et le maintien de traditions culturelles.

References

Références

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Credits

[1] Dabard, C. (2019). ACTION RESEARCH MEETS PERMACULTURE.

[2] De l’anglais : Strengths, Weaknesses, Oppurtinities and Challenges

[3] Source : https://blog.southernexposure.com/2018/01/property-planning-with-permaculture-zones/

[4] Réseau des Initiatives Agroécologiques au Maroc

Authors: Aziza Irhza1 (2) Rachida Mehdioui (3), Elisabeth Haiti (3), Abdellatif Boutagayout (1), 2 Laila Nassiri (2), Fouad Rachidi (1) & Ghizlane Echchgadda (1)

(1) National School of Agriculture of Meknes, Morocco

(2) Faculty of Sciences, Moulay Ismail University Meknès, Morocco

(3) Network of Agroecological Initiatives in Morocco (RIAM)